Articles

Entretien avec Joanna Chardon, (ex) Cheffe responsable Produit et Tarification chez Wakam

Ce mois-ci, on vous présente Joanna Chardon, Cheffe responsable Produit et Tarification chez Wakam, l’ovni du monde de l’assurance en France qui fournit des produits pour des grosses plateformes et insurtech européennes. Parmi ses clients, Wakam compte des noms bien connus dans la tech comme Deliveroo et Uber. En 2021, son chiffre d’affaires a atteint 450 millions d’euros; une croissance surtout poussée par l’international.

Joanna Chardon figure parmi les grands noms de la tarification en France. À la tête des équipes Advanced Pricing Analytics, Pre-sales Pricing , Produits et Underwriters de Wakam, elle nous évoque au travers de cet entretien son parcours d’actuaire.

Bonjour Joanna ! Quel bonheur de pouvoir nous entretenir avec vous aujourd’hui. Vous faites incontestablement partie des grandes figures dans le domaine de la tarification en France. Pourriez-vous vous présenter brièvement pour ceux qui ne vous connaissent pas encore?

Après mes études à l’université de Gdansk en Pologne, j’ai commencé ma vie professionnelle en tant qu’actuaire à la direction technique d’AXA XL (anciennement AXA Corporate Solution). J’étais en charge de l’évaluation des risques spécifiques comme l’amiante, les pollutions ou encore les risques pharmaceutiques. Une expérience très éloignée de la tarification du risque de masse dans laquelle je me suis spécialisée par la suite en participant à la création de l’entité directe d’AXA en Pologne en 2007. Une aventure passionnante qui m’a amenée à poursuivre ma carrière dans une nouvelle entité d’AXA Global Direct. J’y ai occupé plusieurs postes successifs au fur et à mesure de la croissance des équipes globales de pricing. Nous avons constitué des équipes d’excellence dans un contexte international et très entrepreneurial.

En 2018, j’ai rejoint AXA France pour constituer le « Center of Pricing Excellence » et aider les équipes pricing sur place à sophistiquer et industrialiser leurs méthodes de tarification et process existants.

Finalement en juin 2020, j’ai décidé de rejoindre l’insurtech Wakam afin de l’accompagner dans sa croissance et son extension internationales.

 

Pourquoi ce tournant dans votre carrière après autant d’années chez AXA?

Les grandes entreprises sont très formatrices et peuvent offrir l’opportunité de travailler sur des projets de grande ampleur. En effet, j’ai passé près de 20 ans dans cet environnement à enchaîner de nombreux postes sans jamais m’ennuyer. Si vous avez envie d’un poste bien cadré, de vous inscrire dans un ensemble aux process définis, d’acquérir de l’expérience et d’avoir une certaine stabilité, un grand groupe semble répondre parfaitement à ces attentes.

Toutefois, avec l’explosion de l’écosystème des insurtechs, j’ai simplement eu envie d’explorer ces nouvelles approches de distribution dans le monde de l’assurance. L’opportunité qui s’est présentée chez Wakam correspondait parfaitement à cette appétence. Ici, on baigne dans une culture d’insurtech, mais on est également en partenariat avec de nombreuses starts-up dans différents pays européens. C’est un dépaysement garanti. Travailler dans cet environnement demande un engagement plus profond. Il ne faut pas arriver avec trop de certitudes mais plutôt avec une attitude positive de recherche de solutions. Il faut aussi avoir envie de participer pleinement à la croissance et à la réussite de l’entreprise pour s’y épanouir pleinement. Au final, ça demande une attitude très entrepreneuriale afin de percevoir des opportunités là où les autres ne les remarquent pas.

 

Wakam est une insurtech avec des valeurs fortes (la liberté, la curiosité, l’excellence…) Est-ce que sa culture d’entreprise a apporté une nouvelle dynamique à votre manière de travailler ?

Chez Wakam tout va très vite. C’est incroyable les progrès que nous avons réalisés en seulement 2 ans. Tous les « Wakamees » sont libres d’entreprendre et la proactivité consiste à ne pas se contenter des ordres du patron et à suggérer aux clients des actions pour améliorer le produit ou le service.

Dans une telle culture, le rôle des exécutifs porte plutôt sur l’accompagnement que sur le management classique. Accompagner ceux qui « déplacent des montagnes » pour arriver là où ils veulent et pour réaliser leurs idées. C’est une attitude très différente de ce que j’ai pu observer dans les grandes structures.

Chez Wakam, nous cultivons une mentalité d’entrepreneurs qui voient la même réalité que les autres, mais qui parviennent à trouver des moyens de la transformer. Forcément cela créée une toute autre dynamique et demande un esprit d’équipe et une capacité à prendre des risques. Affronter des obstacles c’est aussi notre routine quotidienne.

 

Qu’est-ce qui vous plaît le plus dans votre poste chez Wakam ?

Dans un environnement aussi varié et dynamique, on apprend à la vitesse grand V. C’est très satisfaisant et stimulant. J’ai une équipe incroyablement passionnée et dévouée, vraiment ! Des gens très motivés et qui progressent très vite. C’est super de les accompagner dans leur progression. Les relations humaines sont très riches chez Wakam.

 

Votre équipe est constituée de profils variés (end-to-end et pre-sales). Comment est-ce que cela impacte votre rôle de Chief Product and Pricing Officer ?

J’ai la responsabilité de plusieurs équipes : Advanced Pricing Analytics, Pre-sales Pricing, Produits et Underwriters. Ce sont des équipes qui grandissent très vite. En l’espace de 2 ans, nous sommes passés d’une toute petite équipe à 25 personnes (et on continue de grandir!). Ensemble avec mes managers nous avons réussi le challenge de constituer des équipes très performantes dotées d’une grande cohésion où chaque personne est à sa place. C’est un mélange entre un équilibre et une complémentarité dans notre approche de la gestion des projets portés sur des objectifs collectifs.

Au quotidien, j’essaie tout simplement d’être à la hauteur de leurs ambitions.

 

Pouvez-vous nous évoquer un des projets challengeant sur lesquels vous travaillez actuellement chez Wakam ?

Il y a une multitude de projets très importants chez nous. Cela fait partie des challenges de savoir les gérer en simultané. Cependant, avec notre croissance très rapide nous mettons l’accent sur l’industrialisation de nos processus et pratiques. Dans ce contexte je peux probablement citer le projet de développement de nos API qui nous permettra non seulement de gérer nos nombreuses maquettes tarifaires mais également de collecter de manière dynamique des données afin de permettre des ajustements tarifaires quasiment instantanés. C’est un projet à grand impact qui réunit les équipes tarification, IT et data.

 

Quels sont les défis actuels ou à venir pour tous ceux qui travaillent en tarification ?

La plupart des équipes de tarification sont assises sur une énorme mine d’informations stratégiques. Au cours de leur travail, ils accumulent une tonne de données sur des performances qui pourraient être utilisées pour mieux éclairer un certain nombre de décisions stratégiques.
Fournir des données aux décideurs est une responsabilité essentielle pour la plupart des équipes de tarification. Mais le faire correctement est un défi de taille.

 

Le mois passé nous fêtions la journée des droits des femmes. Selon Women in Finance, moins de 30% des cadres supérieurs dans la finance sont des femmes. Quel est votre avis sur la question? Que pourriez-vous conseiller aux femmes qui souhaitent atteindre les plus hautes fonctions dans l’assurance/finance ? 

Shirley Chisholm, la première femme noire membre du Congrès américain, a dit un jour : « Si on ne vous donne pas un siège à la table, apportez une chaise pliante. » Les femmes doivent continuer à réclamer leur place dans le leadership et la prise de décision. Il faut rester authentique. Il ne faut pas dénaturer qui l’on est. En tant que femme, je n’ai certainement pas la même façon de manager les équipes qu’un homme. Mais c’est cette différence qui fait ma force.

 

Une expérience durant votre carrière qui vous a le plus marqué ?

Mon expérience est le fruit d’un apprentissage incrémental ou plutôt une marmite en constante évolution, une relation alchimique entre ces différents constituants. Tout est important – chaque rencontre, chaque projet, chaque mission. Les découper ou les isoler, ce serait les réduire. Par moment, certains détails qui m’ont paru insignifiants à l’époque me reviennent avec une grande précision. C’est un tout qui laisse son empreinte au fur et à mesure.

 

Une leçon apprise durant votre carrière ?

Croire réellement en l’intelligence des gens et en leur potentiel. Je suis persuadée que la simplicité et le bon sens ont un bel avenir !

 

Si vous pouviez changer une chose dans votre métier ?

Pas que dans mon métier, mais de manière plus générale j’aspire à une société plus inclusive et plus tolérante qui s’ouvre aux différences avec une sorte d’intelligence collective.  C’est une intelligence qui s’apprend, s’entretient et se transmet.

 

On va terminer par notre dernière question signature, celle qu’on pose à tout le monde pour clôturer cette interview. Que ce soit personnel ou professionnel : Qu’est-ce que vous aimeriez oser faire et que vous n’as pas encore fait ?

En général, je fais mes choix en accord avec mes intuitions, donc ce n’est pas une question d’oser, mais plutôt de maturation des idées ou de moment opportun. Je rêve de certains voyages à la découverte de modes de vie très différents, mais compatibles avec les défis climatiques. Une idée qui doit maturer davantage encore.

 

Merci beaucoup Joanna de t’être livrée avec transparence dans cet entretien.

Abonnez-vous pour découvrir encore plus de parcours d’actuaires! 

 

 

 

 

 

 

Entretien avec Karel Verbeeck, Domain Director Mobility & Actuarial team chez Belfius Assurance

Ce mois-ci, on vous présente Karel Verbeeck, Domain Director Mobility & Actuarial team chez Belfius Assurance. En tant que cadre supérieur, Karel est responsable du développement de tous les produits de mobilité et des équipes actuarielles pour tous les produits non-vie (tarification, monitoring, etc.) des marques Belfius et DVV. La mobilité urbaine faisant partie des enjeux phares du monde de demain, on profite de cet entretien pour avoir l’avis de Karel à ce sujet.

Bonjour Karel ! Peux-tu nous présenter ton parcours professionnel ?

Bien sûr. En 2011, j’ai effectué deux années de stage en actuariat chez KBC Assurances au sein du département non-vie. J’y ai fait un peu de tout : tarification, provisionnement, Solvabilité II, etc. Suite à ce stage, KBC m’a offert l’opportunité de réaliser une série de projets dans le développement de produits et plus encore. Après plus de 5 ans chez KBC, j’ai décidé de faire un pas en avant dans ma carrière en rejoignant Boston Consulting Group (BCG) en tant que consultant en stratégie.

 

Il est assez inhabituel pour un actuaire de rejoindre l’un des trois principaux cabinets de conseil en stratégie (McKinsey, Bain ou BCG). Qu’as-tu appris durant ces quatre années chez BCG ?

Tout d’abord, cela m’a forcé à sortir de ma zone de confort et m’a permis d’acquérir une nouvelle palette de compétences. J’ai dû plonger en profondeur dans des sujets spécifiques dans un contexte client précis, tout en adoptant une vue d’ensemble. En outre, j’ai eu l’occasion de découvrir de nouveaux secteurs d’activité comme la banque, et d’élargir mon expertise au-delà du produit et de la tarification.

 

Cette expérience t’a également permis de travailler à l’étranger. Peux-tu nous en dire plus ? 

En effet, j’ai travaillé principalement au Benelux et au Royaume-Uni. Par rapport au marché français, le monde de l’assurance au Royaume-Uni et aux Pays-Bas est plus évolué, plus numérisé et plus compétitif en matière de tarification. Cette expérience m’a enrichi personnellement et professionnellement.

 

Et enfin, Belfius Banque et Assurances, propriété de l’État belge depuis fin 2011.

Oui, j’ai rejoint Belfius il y a un an en tant que Domain Director Mobility. Je gère l’équipe produit et les business analystes du département mobilité, ainsi que les équipes actuarielles responsables de la tarification des produits non-vie et de l’optimisation de notre portefeuille non-vie.

 

Qu’est-ce qui te plaît le plus chez Belfius ?

Chez Belfius, l’accent est mis sur l’innovation et l’amélioration continue, ce qui nous permet d’optimiser l’offre que nous proposons à nos clients. Je crois fermement que c’est la bonne voie à suivre. De plus, dans le domaine de la mobilité, les choses changent très vite et nous devons évoluer au même rythme. Pour quelqu’un qui aime le changement et le développement, je suis au bon endroit !

 

À ce propos, la mobilité de demain est un sujet important. Quels sont les défis actuels et futurs pour tous les actuaires qui travaillent sur ces produits ?

En effet, je remarque quelques tendances qu’il faut garder à l’œil.  Tout d’abord, à court terme, nous constatons une nette évolution vers les véhicules électriques. Quels sont les besoins de leurs conducteur·ice·s ? En outre, les demandes d’indemnisation pour ces véhicules sont très différentes de celles auxquelles nous sommes habitués, ce qui a un impact évident sur la stratégie de tarification requise. 

Nous constatons également de grands changements dans la façon dont nous nous déplaçons. Des changements comportementaux accélérés par la Covid-19 et l’augmentation des prix de l’énergie. L’Europe n’est pas un chef de file dans ce domaine, alors qu’aux États-Unis, les choses ont déjà évolué davantage. Dans les milieux ruraux, je m’attends à ce que la voiture reste le premier mode de transport pour nos activités quotidiennes. À l’inverse, dans les grandes villes, les usages sont de plus en plus variés. Dans ce cas, vos clients ne sont plus confrontés aux mêmes risques, ce qui oblige les assureurs à repenser leur modèle économique. Là aussi, quel est l’impact sur les risques que nous couvrons et sur les prix correspondants ?

Il ne s’agit là que d’une bribe de tendances. Je pourrais encore mentionner la grande quantité de données générée par les voitures d’aujourd’hui de plus en plus intelligentes, et des informations et de la complexité qu’elles pourraient apporter à nos modèles de prix.

 

En tant que directeur, comment décrirais-tu ta gestion ? Quels sont les profils que turecherches ?

En ce moment, mon équipe est composée de 27 personnes. Je crois qu’il est important de constituer une équipe équilibrée, dotée de compétences variées, depuis les chefs de projet qui font avancer les choses jusqu’aux experts qui comprennent profondément leur domaine de compétence. Dans tous les cas, je préfère travailler avec des personnes qui prennent des responsabilités de manière proactive et qui ont un état d’esprit positif.

En ce qui concerne mon style de management, j’essaie d’éviter autant que possible la microgestion, car à long terme, elle n’est que contre-productive. Je pense qu’il est important de donner aux gens la liberté de développer leur expertise par eux-mêmes et d’acquérir la confiance nécessaire pour trouver leurs propres solutions. À mes yeux, le travail d’un manager consiste à apporter de la clarté et des conseils sur l’orientation générale, à encadrer l’équipe et à remettre en question les résultats.

 

Une expérience au cours de tacarrière qui t’a le plus marqué ?

Mes premières expériences en tant que manager m’ont inculqué l’importance de rester concentré. Nous vivons dans un monde où les choses changent constamment, et où personne ne sait exactement ce que l’avenir nous réserve.

Par conséquent, beaucoup d’entreprises sont confrontées à de multiples problèmes et ont tendance à générer beaucoup d’idées pour saisir les opportunités.

Plus que jamais, j’essaie de faire en sorte qu’avec mes équipes, nous nous concentrions sur quelques priorités clés. S’attaquer à 1000 sujets en même temps entraîne une charge de travail considérable pour un impact souvent limité sur les objectifs de l’organisation.

 

Une leçon apprise au cours de ta carrière ?

Il faut toujours chercher à être orienté vers les résultats. Si vous lancez un nouveau projet, prévoyez du temps dans votre agenda pour réfléchir dès le départ à la solution idéale et aux étapes à suivre pour y parvenir. Qu’il s’agisse de déterminer un nouveau prix, de créer une nouvelle proposition de valeur, de revoir un processus, cela vous permet de rester concentré sur l’objectif final.

 

Si tu pouvais changer une chose dans ton travail ?

J’ajouterais des voyages. C’est toujours amusant de découvrir de nouveaux endroits.

 

Terminons par notre dernière question signature, celle que nous posons à tout le monde pour terminer un entretien. Que ce soit sur le plan personnel ou professionnel : qu’aimeriez-vous faire que vous n’avez pas encore fait ?

Adopter un chat !

Funny Cats Pics | Facebook