La gestion du risque humain dans l’actuariat : l’importance des soft skills chez les managers

Dans le domaine dynamique de l’assurance, de la gestion des risques et de la data science, les actuaires occupent un rôle central grâce à leurs compétences techniques inégalées.

Au fil de leur carrière, certains ont l’opportunité d’accéder à des postes de management. Cette transition peut sembler intimidante, d’autant plus que l’image de l’actuaire est souvent associée à l’introversion. De plus, évoluer vers des responsabilités managériales ne repose pas uniquement sur la légitimité gagnée grâce à ses compétences techniques. En effet, cette métamorphose professionnelle, bien que prometteuse, se confronte à un défi majeur : l’écart souvent observé entre les compétences techniques et les compétences interpersonnelles. C’est dans cette perspective que cet article se propose d’explorer les compétences non techniques, ou « qualités interpersonnelles », indispensables pour les actuaires accédant à des postes de responsabilité managériale.

Nous allons explorer quatre compétences essentielles pour les actuaires assumant des responsabilités managériales : l’intelligence émotionnelle, la capacité à embrasser le changement, la communication et la pédagogie et la propension à l’apprentissage. Enrichi par les conseils éclairés de notre experte en recrutement Marie-Hélène Petit, notre article tente d’éclairer les actuaires en transition vers des postes managériaux sur l’importance cruciale de ces compétences. En comprenant et en intégrant ces aptitudes à leur arsenal professionnel, les actuaires-managers pourront ainsi mieux naviguer dans ce paysage professionnel en mutation, renforçant à la fois leur leadership et la performance de leurs équipes.

L’intelligence émotionnelle

Comme dans bien d’autres domaines, l’intelligence émotionnelle joue un rôle essentiel lorsque la gestion d’équipe est au coeur du métier.  Dans le domaine complexe de l’actuariat, de la gestion des risques ou encore de la data science, les managers doivent inspirer et motiver leurs équipes autour de sujets très techniques. Être en possession de compétences émotionnelles solides permet à ces derniers de comprendre les émotions et les besoins individuels des membres de l’équipe, renforçant ainsi les relations interpersonnelles et favorisant la cohésion.

En outre, l’intelligence émotionnelle permet une communication plus efficace entre le manager et ses équipes, car ce dernier peut adapter le style de la communication aux besoins émotionnels de chacun de ses collaborateurs. Cette qualité interpersonnelle facilite également la prise de décision car les aspects sociaux et émotionnels des différents membres de l’équipe sont pris en compte, générant ainsi des décisions répondant aux besoins de l’équipe.

Enfin, l’intelligence émotionnelle permet d’aborder les conflits avec constructivité dans un environnement professionnel en perpétuelle évolution, créant ainsi un environnement de travail sain et productif.

« Faire et faire faire, ce n’est pas la même chose. L’un concerne l’aspect technique du métier, et l’autre se concentre sur l’aspect humain. »

Pour Marie-Hélène, cette compétence amène à se poser la question des émotions. L’intelligence émotionnelle sert de baromètre afin de pouvoir mesurer dans quelle mesure les équipes sont disposées émotionnellement et motivées afin de pouvoir faire ce qu’il leur est demandé de faire. Selon Marie-Hélène, l’intelligence émotionnelle est également indispensable pour un manager d’équipe afin de s’adapter au profil de chaque membre de l’équipe, car cette dernière est constituée de profils techniques et de personnalités différents. L’objectif est de pouvoir mesurer cette différence pour adapter le traitement de l’équipe en conséquence.

Manager une équipe n’est pas inné pour tous mais en l’absence d’intelligence émotionnelle, il est difficile de bien gérer ses équipes car cette qualité favorise des relations harmonieuses, des décisions éclairées et une gestion professionnelle des défis interpersonnels au sein de l’équipe.

 

La capacité à embrasser le changement

La capacité à embrasser le changement semble être une qualité interpersonnelle essentielle dans un secteur où le changement et les nouvelles tendances sont monnaies courantes.  Cependant, le changement peut également venir d’une décision interne, comme lorsqu’il s’agit d’un changement organisationnel. C’est pourquoi, la capacité à embrasser le changement implique deux axes essentiels : l’adaptabilité et l’innovation.

Tout d’abord, l’adaptabilité est impérative dans le secteur de l’assurance. Les managers doivent dès lors être capables d’ajuster leurs stratégies et leurs approches en fonction des évolutions des tendances de l’industrie, des réglementations en vigueur, des technologies émergentes, mais aussi lorsqu’il est nécessaire de revoir la structure et l’organisation de l’équipe. Être ouvert et s’adapter au changement leur permet de modifier rapidement leurs plans et les processus pour s’aligner sur les nouvelles exigences et la nouvelle méthode de travail, assurant ainsi la pérennité et la flexibilité des équipes.

L’innovation est un autre pilier de cette capacité à embrasser le changement, qui est intimement liée au premier axe mentionné. Encourager une réflexion innovante au sein des équipes actuarielles favorise l’émergence de solutions créatives face aux défis émergents. Les équipes ouvertes aux nouvelles idées et méthodologies sont plus à même de trouver des approches novatrices, renforçant ainsi l’innovation au sein de l’équipe et la propension à trouver des solutions aux problèmes inédits qui se présentent à eux.

Selon Marie-Hélène Petit, le futur manager doit maintenir un équilibre instable, car il doit à la fois rassurer les équipes, assurer une continuité des activités et une pérennité opérationnelle tout en ayant une propension bien équilibrée au changement pour optimiser le potentiel de ses équipes et les amener à atteindre ses objectifs avec toutes les clés en mains. Il doit s’adapter à la nature du changement, qui peut être organisationnel ou conjoncturel, ou doit parfois même en être l’initiateur.

« Quand il y a un changement organisationnel au sein d’une équipe, par exemple lié au départ d’un collaborateur, le manager se doit d’impulser le changement. Il doit prendre en compte les membres de son équipe et avoir l’assertivité de dire que le changement doit être impacté. »

Combiner adaptabilité et innovation permet aux managers de garantir ainsi la réussite et la croissance continue de leur équipe dans un environnement professionnel en constante évolution.

 

La communication

Posséder de bonnes compétences en communication est une qualité très recherchée dans le domaine actuariel, et ce, pas seulement pour les futurs managers. Cependant, la capacité à communiquer clairement ne peut être sous-estimée, que ce soit envers les cadres supérieurs ou envers les équipes.

En effet, les managers d’équipes actuarielles sont les interprètes de données complexes pour des interlocuteurs non techniques. Il est dès lors nécessaire de pouvoir vulgariser et synthétiser des concepts techniques, que ce soit à travers des présentations orales, des rapports écrits ou des interactions quotidiennes pour divers audiences, y compris les membres de l’équipe, les cadres supérieurs et les clients.

« Il est souvent reproché aux actuaires ne pas assez structurer leur discours, de ne pas être assez synthétique dans leur communication. » nous explique Marie-Hélène.

« Être capable de s’adapter à son interlocuteur et être compréhensible et intelligible est primordial dans ce métier. Les interlocuteurs n’ont pas toujours les mêmes intérêts. Si l’on prend l’exemple des souscripteurs et des risk manager, leur langage respectif est différent. Tendanciellement, les uns ont une propension au risque et les autres en ont une aversion. Dès lors, il est nécessaire de concilier les deux et de s’adapter. »

Les managers d’équipes actuarielles doivent également faire preuve d’une bonne écoute et d’une bonne capacité à observer lorsqu’ils communiquent.

« Bien communiquer, dit Marie-Hélène, c’est 80% d’écoute contre 20% de parole. C’est contre-intuitif mais ça marche ! ».

Communiquer c’est aussi apprendre à poser des questions avant de former et formuler une opinion : « On oublie trop souvent que capacité à bien communiquer repose sur l’écoute, l’interrogation et l’investigation. Savoir communiquer clairement, c’est être capable d’écouter et de poser les bonnes questions. » confie Marie-Hélène.

Il est important de développer des capacités d’écoute active, qui se définit par une bonne capacité d’écoute et  d’observation du langage corporel de son interlocuteur et des réactions de ses interlocuteurs au moment où il communique un message.

La bonne communication d’un manager repose sur sa capacité à se faire le relais des strates hiérarchiques au-dessus et en-dessous de lui. Vers ses supérieurs, il doit  avoir la capacité à de collecter, sélectionner et synthétiser les informations reçues par les membres de son équipe et s’en faire le porte-parole et possiblement, en défendant ses collaborateurs et leur travail. Vers ses subalternes, le manager communiquant doit relayer les décisions, les expliquer et les incarnées.

La communication transparente et ouverte crée un lien puissant entre le manager et son équipe, favorisant un environnement où les idées sont partagées, les défis sont surmontés et les objectifs sont atteints.

 

La pédagogie et la propension à l’apprentissage

La pédagogie dans le contexte de la gestion d’équipes actuarielles revêt une importance cruciale pour favoriser l’apprentissage de celles-ci. Avant toute chose, le rôle d’un manager est de coacher et de former son équipe. Un des aspects sur lequel se focaliser consiste à donner la capacité à son équipe de grandir techniquement, en adoptant de nouvelles connaissances et compétences. Notre experte en recrutement, Marie-Hélène, relève quatre points clés liés à cette compétence.

Premièrement, lorsque l’équipe manque d’une certaine connaissance ou compétence technique et que le manager est expert dans ce domaine, ce dernier doit pouvoir fournir à ses membres les outils nécessaires pour que ces derniers puissent comprendre et acquérir ce savoir.

« Transmettre sa connaissance lorsque nous sommes experts d’un domaine et que cette connaissance manque à l’équipe, cela est primordial. »

Cependant, dans l’éventualité où il n’est pas le plus expert sur le sujet, il doit pouvoir s’entourer, au sein de son équipe d’experts, sur d’autres sujets que les siens qu’il peut valoriser et responsabiliser sur la montée en compétences des autres membres. Cela valorise les collaborateurs, favorise l’entraide, la transversalité du savoir et la diminution du risque opérationnel sur un sujet donné.

De plus, les managers d’équipes actuarielles sont amenés à travailler au sein d’équipes multidisciplinaires, qui implique de prendre en considération différentes perspectives, approches et connaissances techniques. Cette diversité implique de cultiver un environnement où les membres de l’équipe se sentent stimulés à partager leurs connaissances et à collaborer activement. De l’autre côté, le manager se doit de développer une forme de curiosité et se mettre à niveau à cet égard.

« Si on est à la tête d’une équipe de modélisateurs, on peut ne pas maitriser parfaitement tous les langages de programmation donc il est indispensable de s’actualiser. Il faut continuer à se former à minima et d’actualiser ses connaissances même sur le volet technique et même hors de sa zone de confort. »

Enfin, il est indispensable de pouvoir identifier les compétences précieuses de ses collaborateurs, et en saisir l’opportunité de les valoriser et de les faire fructifier. Comme nous l’explique Marie-Hélène, il est préférable de  considérer la force de proposition de quelqu’un. Il est avantageux de déceler, dans l’initiative du collaborateur, l’opportunité de faire grandir son équipe.

Être pédagogue se révèle être un atout majeur à ne pas négliger. La combinaison d’une pédagogie adaptée et d’une propension à l’apprentissage continue constitue un levier essentiel pour maximiser la performance des équipes actuarielles et assurant ainsi une expertise de pointe au sein de l’organisation.

 

En conclusion, nous avons exploré de manière approfondie quatre compétences humaines essentielles pour les actuaires accédant à des postes de gestion d’équipe. Chaque compétence citée fait écho au besoin que l’actuaire n’a pas naturellement dans ses connaissances métiers. En intégrant ces compétences non techniques à leur expertise technique, les actuaires en transition vers des postes managériaux peuvent cultiver un leadership holistique. Ceux-ci pourront ainsi guider leurs équipes avec empathie, promouvoir l’innovation, créer des environnements de travail inclusifs et maintenir leur compétitivité dans un secteur en constante évolution. En somme, l’équilibre entre compétences techniques et soft skills constitue la clé d’une gestion d’équipe fructueuse dans le domaine complexe de l’actuariat et de la gestion des risques.

 

Sources :